Interview d’Alexandra Roos, Co-fondatrice de la marque de parfums de niche Roos & Roos
Chantal, la mère, et Alexandra, la fille – différentes et complices, assurément complémentaires. Chantal, chef d’entreprise renommée, à la tête des plus grands succès de parfums de créateurs. Alexandra, artiste et musicienne. En 2014, elles ont décidé de fusionner leurs passions, et de donner naissance à leur marque de niche, Roos & Roos. C’est avec plaisir que nous plongeons dans l’univers parfumé d’Alexandra à travers quatre questions.
Bonjour Alexandra, qu’est-ce qui vous a inspirée à créer une histoire de parfums avec Chantal ?
Le parfum a toujours été une partie intégrante de ma vie, remontant à ma jeunesse alors que ma mère évoluait dans l’univers merveilleux des fragrances. Les souvenirs de ces petits échantillons de laboratoire, ces « Lab Samples », qu’elle ramenait à la maison, sont gravés en moi. En développant des parfums, on accumule des milliers de ces échantillons. Je me demande parfois si je ne suis pas née dans une bouteille d’ »Opium », puisque ma mère a lancé ce parfum Yves Saint Laurent quand j’étais encore une enfant…
Mon parcours a suivi une voie différente, baigné dans la musique pendant de nombreuses années. Puis, à une époque où la parfumerie de niche permettait de créer sa propre marque, j’ai proposé à ma mère de donner vie à Roos & Roos ensemble. Auparavant, cette idée ne nous avait pas effleuré l’esprit. Je me souviens des marques telles que l’Artisan Parfumeur ou Annick Goutal, mais à l’époque, les grands groupes dominaient. Cependant, de nombreuses personnes se sont lancées, et j’ai toujours été une grande admiratrice de Frédéric Malle, qui a ouvert la voie.
Ce qui m’a poussée à créer notre propre marque, c’est mon amour pour le parfum, particulièrement celui de niche. Même si j’ai adoré me parfumer intensément avec des classiques tels que le « N°5 » de Chanel, « Opium » ou « Poison » d’Yves Saint-Laurent, le parfum « Féminité du Bois » de Serge Lutens pour Shiseido, offert par ma mère, a marqué le début de mon aventure avec la parfumerie de niche.
Qu’entendez-vous par « parfumerie de niche » ?
La parfumerie de niche, c’est comme la parfumerie d’auteur. C’est un peu le film d’auteur du monde parfumé, avec un discours plus concentré, moins axé sur le marketing et les célébrités. On se focalise sur le discours, l’émotion, les histoires, en étroite collaboration avec les parfumeurs et les fondateurs de la marque. C’est un peu comme la cuisine d’auteur, où le chef s’exprime pleinement. Les parfumeurs ont une place prépondérante, et le dialogue intime avec eux est essentiel. Lorsque vous partagez une émotion, une histoire avec un parfumeur, vous êtes comme un chef d’orchestre ou un réalisateur de film d’auteur.
Quelles sont les créations Roos & Roos dont vous souhaitez nous parler ?
J’ai un coup de cœur particulier pour « Mentha Religiosa », qui a reçu un Fifi Award, même s’il n’est pas le best-seller de la marque. En collaboration avec le parfumeur Fabrice Pellegrin, nous avons eu l’idée de créer un parfum autour de la menthe et de l’encens, inspiré par le jeu de mots « mante religieuse ». Il évoque cette femme séductrice et hypnotique. Le parfumeur a réussi à mêler ces ingrédients de manière brillante, donnant naissance à un parfum unique, plus segmentant que nos autres créations.
Nos best-sellers sont « A Capella » et « Nymphessence », dont les noms ont été le point de départ. Le son d’une voix sans instruments, pure, a inspiré le parfumeur Fabrice Pellegrin à créer un parfum autour d’une rose fraîche, capturant la beauté d’un champ le matin. « Nymphessence » est un parfum que nous avons adoré concevoir, imaginant la nymphe au bord de la rivière, aboutissant à un parfum floral, fruité et boisé. Ces moments de création sont toujours magnifiques.
En plein confinement, entourée de nature à la campagne, j’ai demandé au parfumeur Dominique Ropion s’il pouvait imaginer un parfum d’orties. Nous nous sommes beaucoup amusés, et cela a conduit à la création d’une collection, « Les Simples », en hommage aux jardins des moines, axée sur l’éco-responsabilité et la naturalité. Cette collection rencontre un grand succès dans les pays du nord, plus en avance que la France en matière de développement durable. Nous avons eu la joie cette année d’un nouveau Fifi Award pour « Malamata », un parfum étonnant avec un départ vert, herbe fraîchement coupée, un cœur patchouli floral, et un fond chaleureux, sensuel, car l’ortie brûle !
Quelles sont les trois qualités clés pour rejoindre Roos & Roos ?
La passion est la première qualité essentielle ! Si l’on aime le cuir, il vaut mieux rejoindre la maison Hermès. Pour travailler chez Roos & Roos, il faut avoir une passion profonde pour le parfum. Au-delà du luxe, il faut choisir son médium et vraiment aimer le parfum pour travailler avec nous. L’amour sincère pour son sujet est crucial, surtout lorsque la vie d’entrepreneur présente des défis. Il faut s’accrocher, autant aimer sincèrement son sujet.
L’agilité est une autre qualité fondamentale ! En tant que petite entreprise, nous demandons à nos membres de s’adapter avec agilité et pugnacité. Du marketing à la communication, en passant par la distribution et le merchandising, notre mission englobe plus de sujets que dans un grand groupe. L’agilité dans la vie est importante pour se réinventer, rester à l’affût et avoir envie d’apprendre.
La dernière qualité indispensable est le respect ! C’est crucial, que ce soit le respect de l’équipe avec laquelle on travaille ou le respect de la nature. La collection « Les Simples » a renforcé notre responsabilité. Nous avons développé un flacon au verre allégé, un capot en bois et en liège, des parfums 100 % vegan. L’éco-responsabilité a également été prise en compte dans nos collections précédentes. Le luxe peut se manifester de différentes manières, mais il doit s’exprimer en conscience et dans le respect de la planète.
Par Aurélie Navez
Consultante Stratégie de Marque et Marketing Digital dans l’univers Luxe Parfums Beauté